25 janv. 20213 Min

L’Art de la Stratégie #1 Vision et stratégie, couple inséparable de la réussite

Faut-il avoir un dirigeant visionnaire ou stratège pour atteindre les plus grands succès ?

Cette question est fondamentale dans l’analyse du succès.

La vision consiste à anticiper les évolutions de son environnement et de son secteur pour définir un positionnement optimal à moyen / long terme.

Être visionnaire c’est être capable d’identifier et de traiter les signaux faibles qui seront demain les drivers d’un marché pour projeter son entreprise positivement en tenant compte de ses caractéristiques intrinsèques.

Être stratège, c’est définir le chemin le plus pertinent pour y parvenir, c’est-à-dire celui présentant le meilleur rapport coût / risques / délais / bénéfices.

Rares sont les dirigeants capables de combiner les deux dimensions, d’où la séparation de plus en plus fréquente des fonctions de Président et de Directeur Général. Le premier est garant du cap (la vision), le second trace la route (la stratégie).

Prenons quelques exemples.

Carlos Ghosn était certainement un grand stratège qui a conduit des alliances pertinentes dans le but d’atteindre le leadership mondial, en visant une croissance continue des volumes basée sur la mutualisation, l’optimisation des coûts, la compréhension fine des attentes des consommateurs, la complémentarité des gammes, le maillage géographique. Mais il a finalement pêché par manque de vision, n’anticipant pas l’irruption violente des nouvelles technologies (véhicules intelligents), de la pression écologique (généralisation des technologies bas carbone, pression sur le recyclage et la durabilité), et des nouveaux modes de mobilité à l'usage. Ainsi le groupe se retrouve surcapacitaire et dépassé en termes de rentabilité par les acteurs traditionnels et en termes de capitalisation par des firmes non issues du secteur.

Lucas di Meo, à la tête de Renault, déclarait récemment qu’il fallait désormais « faire de Renault une boîte technologique qui intègre des véhicules et non l’inverse ... »

Jean-Marie Messier (ex PDG de Vivendi) avait probablement vu avant tout le monde l’émergence incroyable du divertissement dans nos sociétés modernes et les possibilités infinies offertes par les nouvelles technologies de communication. Il aurait pu construire le plus grand groupe de divertissement numérique en pariant très tôt sur la convergence des contenus et des contenants à l’instar de Netflix, Youtube ou ITunes. Mais son rêve s’est échoué sur une stratégie précipitée qui n’a pas su adapter le rythme du changement aux capacités financières du Groupe et n’a pas su focaliser son groupe sur la construction de solutions opérationnelles efficaces et rentables en privilégiant les alliances plutôt que la domination capitalistique.

Steve Jobs avait une vision claire des nouveaux usages numériques à offrir au consommateur de plus en mobile, adepte d’instantanéité, de personnalisation et de simplicité, recherchant le plus haut niveau de polyvalence et d’interconnexion. Il a su construire une stratégie pertinente en focalisant son groupe sur les phases de conception et d’intégration des nouvelles technologies avec le plus haut degré d’exigence en termes de qualité et de convivialité. Tout le reste a été sous-traité avec un très haut niveau de contrôle.

Et l’essentiel des technologies embarquées ont été inventées par d’autres, mais il a compris très tôt que c’est la valeur d’usage qui a la plus grande valeur. Valeur d'usage à laquelle il a ajouté une valeur de marque exceptionnelle, avec de l'imaginaire bien-sûr, mais une expérience client, une fiabilité et un sens du service inégalés.

Le visionnaire regarde la carte et son évolution sociétale, économique, sociologique, démographique, géopolitique pour imaginer à quoi ressemblera demain et comment il pourra prospérer.

Le stratège regarde le plan pour imaginer la meilleure route dans un monde connu en vue d'économiser les moyens, de limiter les risques, d'anticiper le comportement des autres acteurs, de tirer parti des nouvelles voies.

Aussi, quand vous réfléchissez à l’avenir de votre firme, êtes-vous certain d’avoir identifié et traité tous les signaux faibles qui seront demain les normes du marché ?

Quand vous bâtissez votre stratégie, êtes-vous certain qu’elle soit tenable, adaptée aux spécificités (organisation, savoir-faire, culture, ...) de votre entreprise ?

Et le plus important, acceptez-vous d’être challengé en amont et de vous remettre en question en aval pour confirmer / amender / infirmer vos choix ?

Nous savons tous qu'il est difficile de trouver d'excellents stratèges qui sont également d'excellents gestionnaires, mais il en est de même des qualités de visionnaire et de stratège.

Superman et Wonderwoman n’existent que dans les films, les plus grands succès proviennent de la capacité à capter l’intelligence collective et à la transformer en réalité concrète et partagée. Ce qui suppose de s'ouvrir à toutes les forces disponibles en interne et en externe puis de produire la bonne synthèse.